La valeur d'une proie - RP TEST de Edward de Retompre

On ne voyait plus grand chose dehors. Rien ne perçait ne voile opaque de la brume hivernale qui venait de prendre possession des alentours du manoir, comme pour le défendre à la manière des grilles qui fermaient son domaine. On ne pouvait que percevoir au loin les faibles lumières des lampadaires, lucioles égarées dans le manteau nocturne depuis un moment déjà étendu sur Avalon. Les lampes qui éclairaient faiblement l'intérieur de la bâtisse ne pouvaient se voir de l'extérieur avec cette purée de pois. Le manoir devait paraître tellement lugubre, menaçant et fantomatique pour une tierce personne passant devant. Pourtant, derrière cette face sinistre se cache une résidence aux milles richesses, une oeuvre victorienne qui résiste encore et toujours aux effluves du temps, repère des ombres de la nuit qui se fondaient dans le décor.

Les rideaux écarlates tirés devant sa fenêtre, Edward ne contemplait l'extérieur que par la fente qui empêchait les deux rectangles de tissu de se toucher. Son iris de saphir observait sans voir les feuilles d'automnes qui, poussées par une brise gelée, s'abattaient sans violence sur les carreaux. Pensif, le regard vague, le jeune homme n'avait cependant pas négliger l'appel qu'on sollicitait depuis sa porte. Quelqu'un voulait le voir pour une raison qu'il ignorait encore mais pour le moment, c'était cette demande qu'il avait un peu ignorer. Encore un peu. Il désirait encore un peu de solitude. Il n'y avait rien d'urgent, sinon la dite personne n'aurait peut-être même pas prit le temps de frapper. Et ne serait sûrement pas rester silencieuse. La demande se renouvela cependant au bout d'un moment.

Un léger soupir de la part de cette silhouette immobile devant la fenêtre brisa sans brusquer le silence. Après quoi, il finit enfin par répondre d'une voix posée, assurée et sans hausser le ton.

- Entrez.

Cependant, Edward ne bougea pas de sa place. Les mains dans les poches, il resta dos à l'épaisse porte, et l'entendit grincer doucement à son ouverture. Il laissa le soin à son camarade de pénétrer la pièce et de refermer la porte. Cette fois-ci, le jeune homme daigna enfin à faire doucement volte-face, voir à qui il avait affaire.

- Lucius, fit-il toujours aussi calme.

Son regard toisa un instant l'individu devant lui. Il repéra l'étrange boîte qu'il tenait dans les mains et reposa ses prunelles dans les siennes avant d'ajouter.

- Que veux-tu ?

Ses étranges pupilles en forme de fente cernées d'iris d'un bleu profond se posèrent alors sur le familier visage de Lucius avant de discerner avec plus d'attention la boîte qu'il tenait. Il comprit aussitôt l'apport d'un butin et, d'un geste de la main, suggéra au Shadow Walkers d'approcher, chose que le jeune homme fit sans attendre.

- La récolte a été bonne ? demanda Edward d'un ton doucereux tandis que ses doigts pâles s'emparèrent du somptueux coffret.

- Fructueuse, répondit Lucius.

Edward ouvrit la boîte. Celle-ci contenait un nombre raisonnable de larcins scintillants, de bijoux aux valeurs diverses tout en restant dans la fortune. Voilà des précieux que de malheureux propriétaires pleureront à leur réveil. Edward parcourait le contenu du coffret avec attention. De temps en temps, il saisissait une bague ou un bracelet pour en définir la valeur de plus près. Mais il fallait se rendre à l'évidence : tout or, diamant ou perle brillant devant ses rétines était bien réel et possédait un inestimable prix. Le regard du leader s'attarda sur un collier qui gisait parmi le reste. Il prônait sur ses sujets d'or et d'argent comme un roi plus grand et plus beau que tous. Edward l'attrapa sous le regard de Lucius qui, au fond de lui, espérait que son chef ne jette pas son dévolu dessus, chose qu'il faisait à chaque prise pour assurer sa suprématie au sein de son gang. Mais Lucius avait déjà trouvé autre usage de ce bijou, en cadeau à sa bien-aimée.

- Très belle prise, commenta Edward en contemplant le collier orné d'une magnifique pierre écarlate.

Lucius restait impassible, le regard néanmoins focalisé sur l'objet. Edward dévia ses prunelles sur lui. Il sembla déceler le désir en son subordonné. Pendant un temps, il se demanda quelle était la meilleure chose à faire. Garder le collier pour s'assurer en maître absolu ou le lui rendre en simple cadeau de sympathie ? Après un moment de réflexion, il opta pour la deuxième option. Il savait Lucius fidèle et loyal, qui plus est un atout précieux pour le gang. Il méritait bien cela. Il reposa ainsi le bijou dans le coffret et agrippa à la place une splendide broche d'or.

- Je garde ça, dit-il simplement, dans la normalité la plus totale, avant de faire signe à son camarade qu'il pouvait se retirer.

Lucius cachait tout son ressenti au fond de lui mais ne put s'empêcher de jeter un dernier regard au collier de rubis lorsqu'il referma la boîte, probablement satisfait. Sur ce, il quitta la pièce tandis qu'Edward fit de nouveau face à la fenêtre en contemplant la broche dorée en forme de chat à l’affût, pourvu de quelques diamants scintillants qui formaient son collier. En voilà une appréciable représentation, car les Shadows Walkers, riches comme le monde, comme ce chat vraisemblablement, chassaient néanmoins à l’affût lorsque tombait la nuit, tels des félins rôdeurs nocturnes...